Ce que l’altitude fait (vraiment) à votre corps 

C’est beau, la montagne. Mais elle vous fait transpirer un peu plus que prévu, même à 12 °C. Si vous avez déjà peiné à monter trois étages à Val Thorens, ou senti vos cuisses flamber dans un col à 2 000 mètres, vous avez touché du doigt ce que l’altitude provoque dans votre corps.

Et ce n’est pas juste une question de décor alpin. C’est un vrai sujet de performance, que l’on soit cycliste amateur ou pro du Tour de France. Alors, que fait vraiment l’altitude à notre organisme ? Et peut-on en tirer profit sans finir cramé dans un chalet ?  

Réponse avec Anaël Audry, coach scientifique et spécialiste de l’entraînement en milieu extrême. 

Altitude : un manque d’air... et d’énergie 

💡 Premier constat : à partir de 1 500 mètres, l’oxygène commence à se faire discret. Résultat ? Moins d’oxygène dans les poumons, donc moins d’énergie pour les muscles. Concrètement, on perd environ 2 à 3 % de VO₂ max dès ce palier, et ce déficit augmente d’environ 1 % tous les 100 mètres supplémentaires. 

Mais alors, pourquoi les cyclistes vont-ils volontairement s’entraîner là-haut ? Justement parce que ce stress, bien dosé, peut devenir une arme de performance. 

Le corps s’adapte... s’il en a le temps 

Vivre et s’entraîner en altitude, c’est forcer l’organisme à mieux transporter l’oxygène. Cela passe notamment par l’augmentation du nombre de globules rouges, ou "PO" pour les intimes, véritables petits camions à oxygène dans notre sang. 

Autre adaptation possible : un meilleur pouvoir tampon, autrement dit une meilleure tolérance à l’acide lactique. Vous savez, cette sensation qui fait crier les jambes dans les ascensions un peu trop enthousiastes. 

Et ce n’est pas tout. En altitude, même la technique s’améliore. Oui, vous avez bien lu. Les gestes moteurs deviennent plus fluides, notamment en descente ou sur les parcours techniques. Un atout souvent négligé à l’entraînement mais qui peut faire la différence le jour J. 

Mais tout le monde ne répond pas pareil 

Contrairement à la chaleur, à laquelle tout le monde peut s’habituer avec un peu de méthode, l’altitude ne réussit pas à tout le monde. Anaël distingue les « bons répondeurs » des « moins bons répondeurs ». Certains athlètes voient leur perf' grimper en flèche. D’autres… s’écroulent au bout de trois jours, malades, blessés, épuisés. 

Le hic ? On ne peut le savoir qu’en testant. Et idéalement loin d’un objectif de course, pour éviter la mauvaise surprise. 

Crédit : Trimax Magazine

Un terrain miné si mal géré 

Les risques ? Ils sont nombreux si l’on part « la fleur au fusil » : troubles du sommeil, fatigue chronique, perte de fer, déshydratation massive, voire surentraînement. Bref, le plan d’altitude mal préparé peut se transformer en stage catastrophe. Pour limiter la casse, il faut hydrater à fond, manger plus (et mieux), prioriser la récupération et éviter toute intensité dans les premiers jours. On écoute son corps, ses sensations (le fameux RPE), sa fréquence cardiaque, et on accepte de lever le pied. 

Quelles stratégies pour quels objectifs ? 

Il existe plusieurs approches : 

  • Vivre en altitude et s’entraîner en altitude : la méthode la plus « complète » mais aussi la plus stressante. À réserver aux athlètes expérimentés. 

  • Dormir en altitude, s’entraîner en bas : stratégie plus souple, qui permet d’intensifier les séances sans surcharger le corps. Idéale pour débuter. 

  • Simuler l’altitude chez soi : grâce aux chambres hypoxiques. C’est high-tech, efficace, mais contraignant (et un peu cher). 

  • Utiliser les centres spécialisés pour des entraînements ciblés en hypoxie : plus accessible, mais moins durable. 

Dans tous les cas, il faut y passer au minimum deux à trois semaines pour espérer des effets durables, notamment sur la masse d’hémoglobine.  

Crédit : HSN Nutrition, santé et sport

Et les bénéfices, alors ? Combien de temps ça dure ? 

Les adaptations physiologiques peuvent s’estomper dès 4 à 7 jours après la redescente. Mais ce n’est pas forcément grave. Car, comme l’explique Annel, « on peut remettre plus d’intensité une fois redescendu, sur un corps plus performant ». En d’autres termes : même si on perd un peu de gains physiologiques, on peut réinvestir ce capital en intensité et progresser tout de même.

Pour les amateurs, faut-il y aller ? 

Si vous visez une cyclosportive en montagne, un petit séjour en altitude quelques jours avant peut vous aider à mieux tolérer l’effort et à préparer votre cerveau à l’inconfort. Pas besoin de viser la performance, mais de s'habituer au terrain, au souffle court, aux cols interminables. Et surtout : éviter de se cramer dès la première ascension.  

En résumé : le mode d’emploi de l’altitude 

✔️ Testez-vous loin des objectifs, pour comprendre comment vous réagissez. 
✔️ Pas d’intensité les premiers jours en altitude. 
✔️ Hydratez-vous plus que d’habitude, mangez suffisamment (et protéiné). 
✔️ Observez vos sensations : sommeil, fréquence cardiaque, perception de l’effort. 
✔️ Ne vous comparez pas aux autres, car chacun réagit différemment.  

L’altitude n’est pas magique. Elle n’est ni votre ennemie, ni votre dopage naturel. C’est un levier, exigeant et subtil. Et comme tous les bons leviers, il faut savoir quand et comment l’actionner. Alors, avant de réserver votre stage à Tignes ou d’acheter une tente hypoxique pour votre salon, posez-vous la bonne question : suis-je prêt à écouter mon corps, au lieu de lui hurler dessus ? 



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