Guillaume Martin-Guyonnet : entre échappées cyclistes et racines normandes
Quand on pousse la grille du domaine de la Boderie, en plein cœur de la Suisse Normande, on ne s’attend pas à y croiser un coureur du Tour de France. Encore moins un philosophe, écrivain, maçon autodidacte… et compagnon de vie d’une famille de treize ânes, Et pourtant, tout ça, c’est Guillaume Martin-Guyonnet.
À quelques semaines du passage du Tour de France qui, cette année, passera dans son village d’enfance, il nous ouvre les portes de son univers. Un lieu hors du temps et à son image.
Deux victoires, une confiance retrouvée
Il y a des années où tout s’aligne. 2025 semble être de celles-là pour Guillaume. Après une période creuse côté palmarès, il renoue avec la victoire à la Classic Grand Besançon Doubs, suivie d’un doublé sur le Tour du Jura. « Mes victoires vont souvent par paire », sourit-il. « Comme si gagner débloquait quelque chose. Ensuite, c’est plus facile d’enchaîner » nous partage t-il.
Mais derrière la modestie, on sent le soulagement. Aucun succès en 2023 ni 2024, malgré une progression constante. Alors ces deux victoires, il les savoure d’autant plus. D’autant qu’elles sont venues « à domicile », dans une région à laquelle il est profondément attaché.
Un Normand dans le peloton
C’est justement cette Normandie natale qui sera au cœur du Tour de France cette année. Et pas qu’un peu. L’étape du 10 juillet passera devant son école primaire, son collège, son lycée… et même sur l’itinéraire de son ancien bus scolaire. « Ce sera un moment fort de ma carrière », confie-t-il. « Il y aura 3 500 mètres de dénivelé, c’est une étape où je peux jouer un rôle important. »
Alors, grimpeur en Normandie, vraiment ? « Oui, oui, c’est un terrain de jeu pour grimpeur », rigole-t-il. Et si Romain Grégoire a encore des doutes, Guillaume l’invite à venir tester la Côte de l’Arançonnière, sa montée fétiche à plus de 10 %.
Crédit : Guillaume Martin-Guyonnet, Groupama-FDJ
L’homme des échappées… et des reconstructions
Ceux qui suivent le Tour savent que Guillaume Martin-Guyonnet n’est jamais bien loin quand il faut se relever après une galère. Chute, crevaison, cassure dans le peloton ? Il ne baisse jamais les bras : « Face à un échec, on peut soit s’effondrer, soit essayer de transformer ça en quelque chose de positif. Moi, j’ai toujours préféré rebondir ».
Une philosophie qu’il applique aussi… à la maçonnerie. Pendant le confinement de 2020, dans un monde à l’arrêt, il s’est lancé un défi fou : reconstruire une tour du XVIe siècle à la main, pierre après pierre, en respectant les techniques anciennes. « C’était complètement insensé, mais ça m’a vraiment bien amusé ».
Cycliste, écrivain… et joueur d’échecs
On le sait, Guillaume Martin-Guyonnet ne se contente pas de pédaler. Diplômé en philo, auteur de plusieurs livres, il cultive une curiosité insatiable. Au dernier stage en Sierra Nevada, il passait ses soirées à jouer aux échecs avec Romain Grégoire, pendant que Rémi Cavagna les surnommait gentiment « les pépés ».
Et pour pimenter les trajets d’hôtel, il affronte son coéquipier Stefan Küng sur GeoGuessr, ce jeu qui consiste à retrouver des lieux sur une carte à partir de Google Street View. « Il est imbattable en Suisse, mais je me rattrape sur les capitales d’Afrique », plaisante-t-il.
Revenir à l’essentiel
Malgré les projecteurs du Tour, Guillaume revient toujours à ses racines. Le domaine familial, ses ânes, son dojo, sa verdure... Ce n’est pas juste un décor, c’est son équilibre. « Ici, je débranche. Je soigne les animaux, je suis dans la nature. Je n’intellectualise pas. Et c’est reposant. »
Crédit : Denis Cheissoux
Et la suite ?
Le Tour de France, évidemment. Son premier avec l’Equipe cycliste Groupama-FDJ. Avec l’expérience, il aborde l’épreuve sans pression inutile. « Je ne tire pas de plans sur la comète. Je verrai mon état de forme au fil des étapes. Ce qui doit venir, viendra. ».
Et après ? Pas de Graal à conquérir. Pas de ligne d’arrivée rêvée. « J’essaie d’être satisfait de chaque journée. Si tout devait s’arrêter demain, je serais déjà comblé »