La chaleur : ennemie du cycliste ou booster de performance ?
Quand on pense performance à vélo, on imagine souvent watts, cadence et nutrition millimétrée. Mais il est un paramètre bien plus insidieux qui peut faire toute la différence entre une sortie grisante et une fringale en cocotte-minute : la chaleur. Alors, alliée ou adversaire du cycliste ?
Anaël Audry, docteur en sciences du sport, démonte les idées reçues et nous éclaire – sans nous faire transpirer (enfin presque).
Pourquoi la chaleur est-elle un tel casse-tête pour le cycliste ?
La performance cycliste repose en grande partie sur le système aérobie.
💡 Bonne nouvelle : cette filière énergétique est endurante, stable, fiable. Mauvaise nouvelle : elle produit de la chaleur. Et ça, notre corps n’aime pas trop. "La chaleur est un sous-produit naturel de l'effort en endurance", rappelle Anaël. Et quand l’environnement extérieur s’en mêle, le corps peut vite saturer. "Si tu n’es pas acclimaté, que tu fais un gros effort et qu’il fait chaud, tu passes en mode cocotte-minute. Et à un moment, tu exploses."
La température corporelle monte, la fréquence cardiaque suit, et la sensation de difficulté grimpe plus vite qu’un col en plein cagnard.
La transpiration : signe de faiblesse ou super-pouvoir ?
On a tous ce pote qui sort de la même sortie que toi en sueur intégrale pendant que tu restes (presque) sec. Bonne ou mauvaise chose ? "Ceux qui transpirent beaucoup ont souvent un avantage en chaleur, car c’est leur système naturel de refroidissement qui fonctionne bien", explique Anaël. Transpirer efficacement, c’est pouvoir évacuer la chaleur interne, et donc maintenir ses performances plus longtemps.
Mais attention, une sueur abondante signifie aussi perte de minéraux. "Tu vois les traces blanches sur le cuissard ? C’est du sel minéral. Trop en perdre, et tes connexions nerveuses se font la malle."
Crédit : Grand Est Cycliste
S'acclimater à la chaleur : un plan d'entraînement (presque) comme un autre
La bonne nouvelle ? On peut tous s’acclimater à la chaleur. Et en bonus, cela booste aussi la performance en conditions tempérées. "L’acclimatation augmente ton volume plasmatique, c’est-à-dire ton ‘réservoir de sang’. Plus de sang, c’est plus de carburant pour les muscles et plus de capacité de refroidissement", illustre Anaël. Résultat : tu deviens un cycliste plus endurant, même s’il ne fait pas 40°C dehors.
👉 Combien de temps faut-il ?
Anaël est clair : "7 à 10 jours suffisent. Et dès le 4e jour, on commence déjà à sentir les effets."
👉 Comment s’y prendre ?
Pédaler en chaleur à faible intensité, tous les jours si possible, sans chercher la performance. "Il faut accepter de relâcher l’intensité pour progresser."
👉 Et si on n’a pas une semaine ?
Même 4 jours, c’est mieux que rien. Et quelques piqûres de rappel (home trainer en salle de bain, sans ventilo...) tous les deux ou trois jours permettent de maintenir les effets.
La chaleur, un stress comme un autre (mais pas un détail)
La chaleur est un stress. Mais c’est aussi une opportunité d’adaptation. "Comme l’altitude, elle augmente la difficulté perçue. Mais contrairement à l’altitude, tout le monde peut s’y acclimater rapidement, même à la maison", souligne Anaël. Pas besoin de tente hypoxique, un home trainer dans une pièce chaude suffit.
D’ailleurs, certaines équipes professionnelles misent sur l’entraînement thermique comme levier de performance. Anaël cite une étude menée avant les JO de Rio : des triathlètes acclimatés en Guadeloupe ont amélioré leurs performances... même en conditions neutres. "L'entraînement en chaleur augmente la tolérance à l'effort. Ce qui était difficile avant devient gérable. Et ça, c’est un vrai game changer."
Et le jour J, si je ne suis pas acclimaté ?
Pas de panique. Enfin, un peu quand même. "Si tu n’es pas acclimaté et qu’il fait très chaud, adopte une stratégie d’allure défensive. Tu risques de te faire doubler au départ, mais tu repasseras devant quand les autres exploseront."
L’important ? Accepter de lever le pied au début pour finir fort. Et s’hydrater avant, pendant, après, avec une attention particulière aux minéraux. Bonus : boire frais (voire glacé) aide à limiter la montée en température.
Le mot de la fin : transpirer intelligent
La chaleur n’est pas qu’un facteur pénalisant. C’est aussi un outil d'entraînement puissant. Si elle est bien anticipée, elle devient une alliée. Et même si vous n’avez pas une semaine en Guadeloupe devant vous, une salle de bain suffira.
"Tout le monde peut en bénéficier, surtout ceux qui la tolèrent mal au départ. Et même à faible intensité, l’adaptation à la chaleur te rend plus fort. Physiquement... et mentalement."
À retenir :
7 à 10 jours d’exposition à la chaleur suffisent pour s’acclimater.
L’adaptation se fait à basse intensité. Pas besoin de faire des sprints dans un sauna.
Transpirer beaucoup n’est pas un défaut, c’est un super-pouvoir de refroidissement.
L’acclimatation augmente le volume plasmatique, booste la performance, même sans chaleur.
En cas de course par forte chaleur, mieux vaut rouler moins fort au début pour finir plus fort.