Christophe Laporte, l’histoire d’un cycliste devenu incontournable

Il ne sait pas vraiment quand le vélo est devenu plus qu’un jeu. Ce qu’il sait, en revanche, c’est qu’il n’a jamais arrêté d’en faire. Christophe Laporte raconte avoir « toujours fait du vélo », comme on grandit avec une langue maternelle. Un père cycliste, un frère cycliste, « j’ai un peu suivi la famille », explique-t-il.

Les compétitions arrivent tôt, très tôt même, cinq ou six ans, et avec elles le plaisir simple du VTT, des bosses bricolées entre copains, des descentes à s’inventer des frissons. Avant que la performance s’invite, presque par surprise, dans le décor.

Du jeu à la performance, sans jamais brûler les étapes

Christophe ne s’est jamais dit : un jour, je serai cycliste professionnel. Il avance par appétit, par progression organique. Il aime la compétition, il aime se dépasser, et il découvre qu’il est plutôt bon à ça. « Je me suis jamais dit : il faut que je gagne là pour passer professionnel. »

Les résultats parlent pour lui. Les opportunités aussi. D’abord l’AVC Aix, puis Cofidis, et avec eux un quotidien qui change d’échelle : stages, staff étoffé, coureurs qui ont déjà brillé sur le Tour. Lui débarque sans prétention, au “petit niveau”, dit-il, mais avec une ambition tranquille : progresser, apprendre, faire sa place.

Il découvre aussi le rôle d’équipier, parfois ingrat, souvent essentiel. « À cette époque-là, les néo-pros arrivent, ils font ce qu’on leur dit. » Porter les bidons, protéger, replacer. Et petit à petit, gagner le droit d’avoir ses propres cartes à jouer.

La bascule Visma-Lease a bike  : changer de dimension

Huit saisons plus tard, Christophe sent qu’il tourne en rond. Cofidis reste un bon cocon, mais il a « envie de voir autre chose ».

L’étranger l’attire : une nouvelle culture, un nouvel environnement, un niveau supérieur. Quand son manager lui annonce que Jumbo-Visma (désormais Visma–Lease a Bike) est intéressée, il tombe des nues.

Il reconnaît avoir eu une hésitation : rejoindre une équipe dominée par Wout van Aert, est-ce renoncer à ses propres ambitions ? Mais le discours de l’équipe le convainc immédiatement : ils veulent qu’il aide, certes, mais aussi qu’il attaque, qu’il dynamite les courses, qu’il ouvre le jeu.

Le seul vrai choc culturel ? L’anglais. « Je pensais parler un petit peu anglais, mais en fait… pas si bien que ça. » Pour tout le reste, l’intégration est fluide, malgré les stars du vestiaire. Roglič, van Aert, Vingegaard : tous accueillent le Français avec simplicité.

Un quotidien réglé au millimètre

Aujourd’hui, son année ressemble à une collection de valises ouvertes. « Je dois être plus de 180 jours par an hors de la maison. » Entre les stages en altitude de 17 jours minimum, une exigence très Visma , les courses et les déplacements, Christophe voit plus son équipe que sa famille.

Les rôles, eux, sont bien définis. Certains jours, il a carte blanche. D’autres, il est le coéquipier modèle : prendre le vent, verrouiller un final, protéger un leader. « Gagner en tant qu’équipe, j’adore ça. Être décisif pour un équipier, c’est gratifiant. »

2023 : l’apothéose européenne

Viennent les moments rares, ceux qui justifient des années d’effort : sa victoire au championnat d’Europe 2023. Il s’échappe, résiste, vacille, croit perdre, puis gagne finalement… à 100 mètres près. « Quand je passe la ligne, je me rends pas vraiment compte. Je sais que j’ai gagné la course, mais je me dis pas : je suis champion d’Europe. » Et cette phrase magnifique : « Ce que j’aime, c’est qu’on passe la ligne, on lève les bras, on ne sent plus rien… puis dès qu’on les repose, on s’effondre. »

2025 : l’année qui a tout remis en question

2025 aurait dû être une saison classique pour Christophe Laporte : les classiques, puis le Tour. À la place, un virus banal… qui n’en était pas un. Fatigue profonde, fièvre, incapacité à marcher 30 minutes : le diagnostic tombe, cytomégalovirus. Et des mois d’arrêt forcé.

« C’est arrivé fin janvier. J’ai recommencé à m’entraîner en juin, une heure de vélo un jour sur deux. » Il découvre un vide vertigineux : plus de rythme, plus d’objectifs, plus de structure. « On se lève le matin, on sait pas trop ce qu’on va faire. »

La santé d’abord, la performance ensuite. Mais la peur, elle, s’installe : Est-ce que je vais revenir ?

La reconstruction est lente, frustrante. Monter un pont d’autoroute devient un effort maximal. Reprendre les courses, un supplice. Mais le moteur interne revient, et avec lui le niveau : Tour d’Hollande, Paris-Tours, des résultats probants, de quoi refermer la saison avec soulagement. « J’aurais jamais cru ça possible si on me l’avait dit en plein milieu de l’année. »

Tour de France : l’envers du décor

Le Tour, Laporte le raconte sans filtre. La souffrance, bien sûr « la douleur est présente tous les jours » mais surtout l’enfermement. Du vélo, du bus, de la chambre d’hôtel. Recommencer. Chaque jour. Trois semaines.

Les transferts interminables : « Si on passe moins d’une heure dans le bus après l’étape, c’est déjà une bonne journée. »

Les massages qui se terminent tard, les briefings ultra-précis , les oreillettes qui n’arrêtent jamais de parler.

Et pourtant, il aime ça.

S’accrocher pour mieux repartir

À 33 ans, Christophe sait qu’il entame le dernier chapitre de sa carrière. Pas encore la fin, mais la route devient plus courte. L’épisode de 2025 lui a rappelé pourquoi il continue : parce qu’il aime profondément ce sport. « Le fait d’avoir perdu ça pendant quelques mois m’a fait me rendre compte que j’aimais ça et que je n’avais pas envie que ça s’arrête tout de suite. »

Il lui reste des objectifs, certains secrets, d’autres assumés. Il veut encore briller, encore attaquer, encore aider ses leaders à gagner. Surtout, il veut profiter tant que le cœur, les jambes et l’envie répondent.



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