Calculer sa Puissance : Évitez les erreurs qui faussent la DATA
Parler de puissance en cyclisme, c’est un peu comme parler de météo entre deux cyclistes : tout le monde a un avis, mais peu savent exactement ce qu’il se cache derrière les watts affichés sur leur compteur.
Dans cet épisode, nous sommes en compagnie d’Anaël Aubry, expert en performance, ancien directeur scientifique des équipes de France olympiques de VTT et de triathlon. Il nous éclaire sur cette donnée centrale mais parfois mal comprise. Son message est clair : la puissance, oui, mais avec un cerveau branché dessus.
La puissance, c’est quoi exactement ?
Techniquement, c’est simple : puissance = force × vitesse.
Dans le vélo, on mesure la force que vous appliquez (souvent en newton-mètres) et la vitesse de pédalage (en tours par minute) pour obtenir des watts.
Mais attention : le chiffre brut ne suffit pas. Il dépend de l’endroit où il est mesuré (pédalier, pédales, moyeu…) et des conditions extérieures (température, humidité, vent…).
Autre subtilité : deux capteurs différents, même modèle, peuvent présenter des écarts de mesure significatifs. D’où l’importance de calibrer régulièrement son matériel – et d’utiliser le même capteur pour suivre sa progression dans le temps.
Faut-il absolument rouler avec un capteur de puissance ?
Pas nécessairement. Anaël est catégorique : « Si tu débutes, mieux vaut apprendre à pédaler correctement, à rouler en peloton ou à écouter ton corps, avant de t’équiper. » La puissance devient essentielle à partir du moment où l’on veut structurer ses entraînements, affiner ses efforts, ou passer un cap de performance.
En clair, la puissance est un outil, pas une baguette magique. Elle doit être mise en relation avec d'autres indicateurs comme la fréquence cardiaque (FC), le ressenti, la récupération ou encore le contexte (météo, sommeil, stress…). Anaël le répète : « La donnée la plus fine et la plus fiable, c’est souvent ton ressenti, si tu sais t’écouter. »
Bien choisir et bien utiliser son capteur
Les options sont nombreuses : capteurs intégrés au pédalier, aux manivelles, aux pédales, au moyeu… et même à la chaîne. Certains sont plus précis, d’autres plus pratiques. Le choix dépend de votre pratique (route, VTT, home trainer) et de votre budget.
💡 Astuce : Si vous changez souvent de vélo (CLM, gravel, route), optez pour des pédales avec capteur. Elles sont précises, portables et plus abordables qu’un boîtier de pédalier de compétition.
Mais attention : évitez de comparer les watts d’un capteur avec ceux d’un autre, même si c’est la même marque. L’écart peut aller jusqu’à 5 %. Et ça, ça fausse tout.
Crédit : Vojo
L’erreur classique : croire que les watts font tout
Un 400 watts un jour ne vaut pas nécessairement 400 watts un autre jour. Si vous êtes fatigué, stressé ou malade, la performance sera différente. Et c’est là que réside le piège : se focaliser uniquement sur la charge externe (les watts), sans écouter son corps.
À l’inverse, un bon jour, vos watts peuvent exploser. Tant mieux. Mais il faut savoir interpréter cette variation, et ne pas se cramer sous prétexte de vouloir battre son record à chaque sortie.
Home Trainer vs. Route : peut-on comparer les chiffres ?
Réponse d’Anaël : utilisez toujours le même capteur, et fiez-vous à lui. Même si votre home trainer indique des chiffres plus flatteurs. Car ce qui compte, ce n’est pas de flatter l’ego, mais de suivre une donnée fiable et constante.
Puissance moyenne ou puissance normalisée ?
La puissance moyenne reflète la charge brute, utile sur des entraînements linéaires, type Home Trainer. La puissance normalisée, elle, prend en compte les variations d’intensité (relances, côtes, descentes…) : elle est donc plus utile en conditions réelles ou sur des sorties en groupe.
Conseil pro : regardez les deux. Ensemble, elles racontent une histoire plus complète.
Et toutes ces applications ? On s’y fie ou pas ?
Les plateformes comme Strava vous proposent des graphiques séduisants, des zones d’effort et même des estimations de votre FTP. Anaël tempère : ce sont des moyennes populationnelles, pas des outils d’individualisation. Autrement dit : utiles pour avoir un aperçu, dangereux si vous vous basez uniquement là-dessus pour construire vos séances.
Verdict : à quoi sert (vraiment) la puissance ?
En résumé, la puissance est un formidable outil de progression, à condition de :
Savoir l’interpréter, en lien avec d’autres données internes (FC, ressenti, récupération…)
Choisir un capteur adapté à sa pratique, fiable, calibré
Ne pas en faire une obsession (spoiler : les meilleurs savent parfois s’en détacher)
S’en servir pour individualiser, affiner et structurer son entraînement
La puissance, oui. Mais avec bon sens.
Comme souvent en sport, tout est affaire d’équilibre. Utilisez les watts pour vous guider, pas pour vous enfermer. Et surtout, n’oubliez pas pourquoi vous pédalez : pour progresser, oui. Mais aussi pour vous faire plaisir. Et ça, aucune data ne le mesure.