Poids et performance : faut-il vraiment être léger pour aller vite ?
Dans le monde du cyclisme, la question du poids revient sans cesse. Peut-on vraiment gagner en performance en pesant moins ? Si la tentation de l’équation « moins de kilos = plus de watts » est forte, la réalité, elle, est bien plus nuancée.
Dans cet épisode, on explore ce lien complexe entre poids et performance avec Laurie-Anne, nutritionniste du sport. Ensemble, on parle de poids de forme, de composition corporelle, du fameux ratio poids/puissance, mais aussi des pièges de la restriction excessive et des vraies clés pour progresser sans mettre sa santé en jeu.
Le poids, ce n’est pas qu’un chiffre sur la balance
Première mise au point : non, le poids idéal universel n’existe pas. Il n’est ni théorique ni calculable. Le fameux « poids de forme », c’est celui que l’athlète apprend à connaître au fil des années. Celui où il est performant, ne se blesse pas, ne tombe pas malade, et peut manger sans que chaque repas devienne une épreuve psychologique. « Le poids le plus bas n’est sûrement pas le meilleur poids pour un sportif d’endurance. »
Et ce qui compte surtout, c’est la composition corporelle : plus de masse musculaire, moins de masse grasse — pas forcément moins de kilos. Deux cyclistes à poids égal peuvent avoir des performances radicalement différentes selon leur constitution.
L’obsession du ratio poids/puissance : outil ou piège ?
Chez les cyclistes, le ratio poids/puissance est une sorte de Graal : watts divisés par kilos. Pratique pour comparer, mais aussi… pour se tromper. « Le rapport poids-puissance, c’est une façon de se comparer entre cyclistes. Mais plus il est élevé, plus on peut contrer la gravité dans les montées. »
C’est en montagne que ce ratio s’exprime le mieux, mais sur le plat, c’est souvent la puissance brute qui prime. Un sprinteur plus lourd peut être bien plus performant qu’un grimpeur affûté. L’important est donc de comprendre ce qu’on cherche à optimiser… et dans quel contexte. « On peut augmenter son rapport poids-puissance sans perdre de poids, en travaillant sur la puissance. »
IMC, poids, affûtage… Ne pas confondre vitesse et précipitation
L’IMC ? À bannir pour les sportifs. « En nutrition du sport, on ne l’utilise pas du tout », tranche Loriane. Il classe à tort des athlètes musclés comme « en surpoids », ce qui est totalement hors sujet pour un peloton affûté.
Et pour ceux qui paniquent après une prise de poids post-stage intensif : pas de panique non plus. Rétention d’eau, prise de muscle, contenu intestinal... les raisons sont multiples. « Se peser tous les jours, ce n’est pas la bonne idée. Les fluctuations peuvent miner le moral pour pas grand-chose. »
La santé d’abord : gare au syndrome RED-S
Le syndrome RED-S (Relative Energy Deficiency in Sport) désigne un déficit énergétique chronique qui peut avoir de lourdes conséquences sur la santé : troubles hormonaux, immunité affaiblie, fatigue, blessures... « Tous les extrêmes ont des risques. La recherche du poids le plus faible, c’est souvent contre-performant. »
Et si certains symptômes sont plus visibles chez les femmes (comme l’absence de règles), les hommes ne sont pas épargnés pour autant : baisse de testostérone, troubles de l’humeur, baisse de la libido... « Le corps, s’il n’a pas assez d’énergie de manière répétée, va mettre certaines fonctions en veille. »
Crédit : Graphique du site Courir Mieux
Manger pour mieux rouler… et éviter les fringales
Pour perdre du poids intelligemment sans compromettre la performance, il faut savoir manger au bon moment. Loin des régimes stricts, c’est la périodisation nutritionnelle qui fait la différence. « Une séance mal nourrie, c’est souvent une fringale assurée le soir. Et là, c’est rarement des flocons d’avoine qu’on va chercher… »
Le conseil phare : ne jamais négliger les apports pendant l’effort. Bien s’alimenter pendant une séance, c’est récupérer plus vite et éviter les excès ensuite. « Il ne faut pas avoir peur de manger pendant l'entraînement. C’est l’énergie immédiatement utilisée, pas un surplus stocké. »
Oui, les bonbons ont leur place… dans le bon contexte
Petite réhabilitation : les bonbons ne sont pas les ennemis du cycliste. Dans les bonnes circonstances, ils deviennent même des alliés de la récupération. « Après une étape, le système digestif est souvent à plat. Un petit sachet de bonbons, c’est du sucre rapide, digeste, efficace. »
Pogacar avec son paquet de bonbons à l’arrivée ? Loin d’un caprice. C’est une stratégie post-effort validée par les pros.
En résumé
Le poids est un facteur important en cyclisme, mais pas à n’importe quel prix. La performance se construit sur la durée, avec une nutrition bien pensée, un entraînement adapté et surtout… un corps respecté. « Ce n’est pas le poids qui fait tout. C’est comment on se sent sur le vélo et dans la vie de tous les jours. »
Cherchez votre poids de forme, pas celui que vous rêvez de voir sur la balance. Et si vous voulez aller vite, commencez peut-être par ralentir… pour mieux écouter ce que votre corps a à dire.