La malnutrition : ce facteur invisible qui vous blesse plus que vous ne le pensez

On parle souvent de blessures musculaires, de chutes ou de surentraînement pour expliquer les arrêts forcés chez les cyclistes. Pourtant, un autre facteur, bien plus discret mais tout aussi redoutable, agit en coulisses : la malnutrition.

Pas forcément celle qui saute aux yeux, mais celle, insidieuse, qui naît d’un déficit énergétique répété, d’un repas sauté par souci de « rester affûté », ou d’une habitude à sous-estimer les besoins réels du corps.

Dans cet épisode, Laurie-Anne, nutritionniste du sport, éclaire avec précision les liens entre alimentation inadaptée et fragilité physique. Une mise au point salutaire sur un sujet trop souvent négligé, surtout par les amateurs désireux d’imiter les pros… sans en avoir le cadre.

Vouloir s’affûter… mais à quel prix ?

Perdre un peu de poids pour grimper plus vite, c’est une logique largement répandue dans le milieu cycliste. Et parfois justifiée. Le rapport poids/puissance, on ne va pas se mentir, a une vraie incidence en montée. Mais ce que rappelle Laurie-Anne, c’est que cet objectif, quand il devient obsessionnel, finit par coûter bien plus que ce qu’il rapporte. « Tous les extrêmes ont des risques. Un déficit calorique chronique affaiblit le corps et rend l’athlète plus vulnérable. »

Là où le bât blesse, c’est que ces baisses d’apport se font souvent sans réajustement intelligent de l’entraînement.

Résultat : le corps fonctionne à vide. Et lorsqu’il est privé de l’énergie nécessaire pour réparer, renforcer, se défendre, il casse. Littéralement.

Des blessures qui ne viennent pas par hasard

Contrairement aux idées reçues, beaucoup de blessures ne sont pas dues à un mouvement mal exécuté ou à une intensité excessive. Elles sont le fruit d’un terrain fragilisé : muscles fatigués, os moins denses, tissus moins bien irrigués, réparation cellulaire ralentie. Tous ces micro-signaux qu’on néglige finissent par provoquer des fractures de fatigue, des tendinites persistantes, voire des coups de pompe qui deviennent chroniques. « Ce n’est pas rare de voir des cyclistes se blesser plus souvent simplement parce qu’ils mangent trop peu. Et c’est parfois le seul facteur en jeu. »

Le piège ? On croit bien faire. Manger « propre », léger, avec des quantités modérées. Mais à volume d’entraînement égal — voire croissant —, cela revient à retirer du carburant à une voiture lancée à plein régime.

L’entraînement ne suffit pas. Il faut le nourrir.

Laurie-Anne insiste : la qualité d’un entraînement ne se résume pas à ses watts ou sa durée. Elle dépend aussi de la manière dont il est soutenu par l’alimentation. Et ce soutien doit être pensé en amont, pendant et après. « Une séance bien nourrie est une séance qui se récupère mieux. Et une récupération efficace, c’est ce qui permet d’enchaîner sans se blesser. »

Ceux qui ont peur de manger pendant l’effort — par peur de « ruiner leur déficit » — font souvent face à des fringales en fin de journée, ou à des sensations de faiblesse au fil de la semaine. Et là, la spirale se met en place : fatigue > compensation > mauvais choix alimentaires > récupération incomplète > fragilité.

L’alimentation n’est pas qu’une histoire de chiffres

Un autre piège courant, surtout à l’ère des applis de suivi : vouloir tout quantifier. Calories entrées, calories brûlées, macros précis… Cela peut rassurer, mais ce n’est ni fiable, ni durable. « On a oublié d’écouter ses sensations. Manger, c’est aussi répondre à un besoin physiologique, pas seulement à une formule mathématique. »

Surtout chez les cyclistes, où la dépense varie énormément d’une séance à l’autre. Le corps n’a pas besoin de rigueur militaire, il a besoin de cohérence. Il sait très bien envoyer les signaux : faim, fatigue, baisse de motivation… Encore faut-il ne pas les ignorer.

Crédit : Site Overstim

Mieux manger pour moins se blesser : par où commencer ?

Voici quelques principes simples, issus de l’expertise de terrain partagée dans le podcast :

  • Ne jamais négliger l’après-entraînement

C’est un moment-clé pour reconstituer les réserves énergétiques et favoriser la réparation. Même si vous n’avez pas faim juste après l’effort, prévoyez une collation facilement assimilable.

  • Adapter ses apports à l’intensité

Une sortie de 2h à basse intensité ne demande pas les mêmes besoins qu’un entraînement de 4h avec des blocs. N’ayez pas peur d’augmenter les apports quand l’intensité monte.

  • Manger pendant les séances longues

Barres, gels, fruits secs, boissons glucidiques… Peu importe la forme. L’important est de ne pas laisser le corps puiser dans ses réserves sans relais.

  • Écouter les signaux faibles

Fringales régulières, perte de motivation, sommeil perturbé, douleurs persistantes : autant de signes qu’un rééquilibrage alimentaire pourrait prévenir une blessure.

En résumé

Dans le sport, la frontière entre rigueur et excès est souvent ténue. Chercher à optimiser son poids pour performer n’est pas un mal en soi. Mais le faire au détriment de son alimentation, sans écoute du corps ni vision long terme, c’est s’exposer à une fatigue insidieuse… et à des blessures évitables. « Le but, ce n’est pas de peser moins, c’est de rouler mieux, plus longtemps, sans se casser en chemin. »


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